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CINQUANTE ANS D'HISTOIRE

par le Chanoine Julien Descottes

Ancien Président de la société Historique et Archéologique

 

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1898 - La première pierre 

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1899 -

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1902 - Le centenaire

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1902 - "Au Collège pour ses 100 ans"

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1903 - Les nouveaux bâtiments

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1906 - "La cloche du Collège"

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1914 - La guerre

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1919 -

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1921 - Le mémorial

 

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1923 -

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1925 -

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1933 - L'Amicale a 50 ans

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1933 - "Le vieux Collège"

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1936 -

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1937 - La nouvelle chapelle

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1939 - La guerre

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1945 -

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Conclusion

 

Le 26 juillet 1898, après le banquet des Anciens Elèves, M. le Vicaire Général Durusselle, ancien Principal du Collège, spécialement délégué par S. E. le Cardinal Labouré, procéda à la bénédiction de la première pierre du nouveau Collège.

Les élèves, précédés de la Croix, marchent en tête du cortège; ils sont encadrés de tous leurs professeurs, et immédiatement suivis des anciens élèves accourus de tous les côtés pour cette importante cérémonie. Charles Jouanjan, maire de Saint-Malo, ayant à ses côtés Charles La Chambre, ancien député, président honoraire de l'Association Amicale des Anciens Élèves; Émile Fontan, président de l'Association, conseiller général et maire de Paramé, ferment le cortège, entourés d'un nombreux clergé que préside M. le Vicaire Général Durusselle., Monseigneur Collet, curé de Saint-Servan; les chanoines Brûlé, curé de. Saint-Malo; Charost, directeur de l'Enseignement Secondaire; Jourdan, principal du Collège, et de nombreux prêtres de la région malouine l'accompagnent. ils sont reçus. à l'entrée du chantier par Alfred Frangent père, qui a été désigné comme architecte du nouveau bâtiment. Après quelques explications, au cours desquelles les assistants prennent place sur des estrades de madriers, placées pour a circonstance, M. le Vicaire Général Durusselle s'exprime en ces termes :

« Messieurs, la cérémonie à laquelle nous assistons fera époque dans l'histoire du Collège de Saint-Malo. Il y a longtemps qu’on l'attendait, si longtemps même, qu'on commençait à croire qu'elle n'arriverait point, et que le projet de reconstruction resterait, comme tant d’autres, dans la région, des beaux rêves. Eh bien! Aujourd'hui, nous sommes en face de la réalité et, dans quelques mois, notre

vieux Collège aura repris une nouvelle jeunesse. En se transformant, il va perdre le droit à ce qualificatif de « vieux » qu'il devait à respect un peu vénérable de ses constructions d'un autre âge; mais il sera toujours et plus que jamais le bon Collège, par l'excellent esprit de ses élèves et le zèle intelligent des maîtres.

Si on a mis beaucoup de temps à élaborer le projet, c'est que l'entreprise était difficile. La construction d'un Collège est partout une très grosse affaire; mais ici, elle se compliquait de la difficulté de trouver un emplacement. Serait-il maintenu dans la ville ? Le transporterait-on hors des murs ? Comme dans toutes les questions débattues dans ce bas monde, il y avait des partisans du Collège dans la ville et des partisans du Collège au dehors. Après de longues années de discussions que j'ai connues comme témoin et quelquefois-,comme acteur, le maintien dans la ville fut enfin définitivement arrêté, grâce à des influences locales, à de grandes générosités, à l'appui bienveillant de l'administration municipale, à qui je suis heureux d'adresser dans la personne de M. le Maire, qui a bien voulu honorer la cérémonie de sa présence, nos plus sincères remerciements, au nom de Son Eminence Monseigneur le Cardinal. Grâce, dis-je, à cet heureux concours de circonstances, Dieu aidant, les difficultés se sont trouvées aplanies, et on a pu commencer les travaux...

Le Collège reste dans les murs, et cela, je crois, à la satisfaction du plus grand nombre, sinon de tous. Il me semble que les anciens. n'auraient pas vu sans quelques regrets la disparition complète de ces vieux bâtiments, de toutes ces salles, de la chapelle, des cours de récréations auxquels s'attachaient pour eux tant de souvenirs.

 

Les nouveaux trouveront dans l'établissement transformé, sinon le luxe, du moins tout le confortable, toutes les conditions hygiéniques dont on fait aujourd'hui tant d'état, et que négligeaient un peu nos pères, qui ne s'y portaient pas plus mal. C'est également une satisfaction pour les Malouins, car pour eux, Saint-Malo est tout; qui de nous ne connaît ce chant d'une mélodie si douce et d'un sentiment si vrai :

 

Pour moi, je préfère

A toute la terre,

Mon rocher de Saint-Malo

Que l'on voit sur l'eau.

... Eh bien ! le Collège sera bien Malouin, puisqu'il se dressera sur la pointe « du rocher de Saint-Malo que l'on voit sur l'eau », au cœur même de la Cité Corsaire.

... Cependant, il reste une objection que j'ai entendu faire bien des fois : « Il manquera toujours des cours de récréations à votre Collège », nous dit-on. Vraiment ! Mais la grève, et le tour des murs, et les quais, qu'en faites-vous donc ? Qu'on me cite une maison d'éducation qui ait rien de comparable ! Il y a d'autres collèges avec des cours spacieuses, de vastes jardins, mais il n'y a qu'un Collège de Saint-Malo; car lui, il a la mer, la vaste mer, avec ses horizons infinis, la mer avec sa grève, où il fait si bon prendre ses ébats, se rouler sur le sable fin et doux, et respirer à pleins poumons un air vif et pur qui fait tant de bien ! Avouez, Messieurs, que nous avons-là d'assez belles compensations.

... Voilà ce que sera le Collège de Saint-Malo dans quelques mois, s'il plaît à Dieu de bénir nos efforts. C'est ce que nous allons lui demander tout à l'heure en procédant à la bénédiction de la première pierre. Que cette bénédiction soit abondante sur tous ceux qui nous ont aidé, dans cet ' te oeuvre toute malouine, de leurs conseils ' de leurs lumières, de leur fortune et de leur appui. Qu'elle soit, sur les travaux et les travailleurs, sur l'habile architecte qui a conçu le plan, sur l'entrepreneur qui va l'exécuter, sur les ouvriers qui y seront employés, pour que le Bon Dieu écarte les dangers, et que nous n'avions à déplorer aucun accident pendant le cours des travaux; et dans quelques mois, nous pourrons chanter le Te Deum de l'action de grâces, en faisant l'inauguration solennelle de notre vieux Collège rajeuni ».

L'année suivante, en 1899, il y eut, à la réunion des Anciens Elèves, un fait que je tiens à noter : par l'intervention de M. Charles La Chambre, il fut décidé que les jeunes élèves assisteraient désormais à ces fêtes, et qu'à l'heure des toasts, ils prendraient contact avec les anciens.

« Combien je regrette, mes chers Camarades, de ne pas voir cette année, autour de nous, les jeunes, nos camarades de demain. Leur effectif s'accroît plus vite que celui du Collège, où la place est devenue insuffisante. Mais, d'après les bonnes paroles que nous a dites M. le Supérieur à notre dernière réunion du Comité, nous avons tout lieu d'espérer que, l'année prochaine, nous trouverons dans les' beaux bâtiments que l'on construit là-haut, la place nécessaire pour nous réunir tous; et alors, la fête sera complète. Que de bons conseils en effet, n'avons-nous pas à donner à ces jeunes camarades, surtout à ceux qui, ayant réussi à leurs examens, vont se lancer dans, le tourbillon de l'existence ?

Il est bon, n'est-ce pas, de profiter de cette réunion amicale pour leur dire : « Restez ce que vous avez été faits ici; c'est-à-dire de bons chrétiens, et devenez, grâce à la bonne éducation que vous avez reçue, des hommes et des Français

Ce fut le 22 juillet 1902, lors de la réunion des Anciens, que fut fêté le centenaire du Collège. La présence et le beau discours de l’un des plus illustres parmi tous nos anciens, du prédicateur de N.-D. de Paris, du Père Ollivier lui-même, donna un caractère et un charme tout spécial à cette belle fête.

Malheureusement, le compte-rendu de l'Association que j’ai entre les mains, ne nous donne pas le texte du discours, et il ne nous en fait qu'un trop pâle résumé. C'est le bon, abbé Zinguerlé, l'aumônier de l'Hôtel-Dieu et l'ami d'enfance du Père Ollivier, qui a célébré la messe dans la chapelle du Collège.

« ... Mais la messe est terminée. Rendons-nous vite dans le magnifique hall du Collège, il a, pour la circonstance, revêtu ses habits de fête, et il est également pavoisé de drapeaux. C'est là que le R.P. Ollivier doit parler, devant un auditoire avide de l'entendre.

Pourquoi faut-il que son magnifique discours ne puisse occuper la place d'honneur dans ce compte-rendu qui, sans lui, perd cependant tout son intérêt ?

Le saisir? Impossible, il eût fallu un sténographe habile et exercé. Le retracer il n'y fallait pas songer! Seul l'éminent orateur eût pu nous conserver l'écho de son éloquente parole; et il ne nous a pas été permis d'en retrouver un. souvenir durable et précis.

Bornons-nous, à notre profond regret, à dire que, plus d'une heure durant, il retraça la vie du Collège de Saint-Malo depuis ses origines, dans un magistral discours, où la verve 'et l'esprit le disputaient à l'éloquence, et que ses auditeurs, charmés, ne lui ménagèrent pas, par leurs applaudissements répétés, l'expression de leur admiration et de leur reconnaissance ».

J'ai eu la bonne fortune d'assister à ce beau discours; et si, à cinquante ans de distance, je ne puis en faire une analyse complète, deux points cependant sont encore très présents à ma mémoire. Après nous avoir parlé de l'origine du Collège, réorganisé au lendemain de la Révolution dans la Cité Corsaire, le célèbre orateur s'étendit assez longuement sur Jean-Marie et Félicité de La Mennais; il les décrivit comme les plus ardents parmi les réorganisateurs, et termina par un magnifique parallèle entre les deux frères : l'aîné, Jean-Marie, il le compare à -un cygne d'une blancheur éclatante qui s'élève jusqu'au plus haut degré de la perfection et de la sainteté; tandis que son infortuné frère, qui a la puissance de l'aigle, veut s'élever bien haut dans les nues, et percer les secrets de l'Eternel; mais voulant monter trop haut, s'approcher trop près du soleil, ses yeux sont éblouis, il tombe, et dans sa chute, dans sa chute lamentable, il se brise les deux ailes. Armand Houïtte de la Chesnais, qui remplit pour la première fois son poste de Président, remporte un réel succès quand, se tournant vers le Père Ollivier, il lui adresse ces paroles :

« Au reste, ce n'est pas faire de la politique, mon Révérend Père, que de vous souhaiter la bienvenue, puisque c'est la première fois que nous avons l'honneur et le plaisir de vous voir parmi nous. Mous sommes fiers de vous; vous êtes en effet si malouin par le coeur et par le talent !.. vous avez cette indépendances cette vive allure qu'airnaient nos pères ! On assure que jamais vous ne donnez mieux la mesure de votre beau talent qu'en sortant des sentiers battus, des routes frayées. On sait aussi, que jamais vous n'avez voulu faire fléchir la doctrine, même devant ceux qu'on âime à flatter, en vrai Malouin qui n'a pas peur ! ».

 

M. Carl La Chambre, qui paraît pour la première fois parmi nous depuis les élections qui ont fait de lui notre représentant au Parlement, touche la question de la liberté de l'enseignement :

« Je me garderai bien de faire ici de la politique; il m'est permis toutefois de m'étonner que, dans la discussion d'une loi récente, les adversaires de la liberté aient voulu faire croire qu'il y avait en France deux jeunesses ennemies, l'une sortant des Universités de l'Etat, l'autre élevée dans les Etablissements Libres. C'est là une parole de discorde et de haine, contre laquelle je m'élève de toutes mes forces. Non, il ne doit pas y avoir et il n'y a pas deux jeunesses ! Pour moi, je n'en connais qu'une, c'est celle qui se trouve au Régiment, servant une seule Patrie, à l'ombre du même Drapeau ! Est-ce que tous les cœurs ne battent pas à l'unisson devant l'emblème aux trois couleurs ? N'est-ce pas la meilleure preuve que la lutte fratricide dont on agite le spectre n'existe en réalité que dans le cerveau des politiciens sectaires et francs-maçons ?

La jeunesse accepte avec enthousiasme l'égalité devant l'impôt du sang; mais, en revanche, de quel droit refuserait-on à une fraction de cette jeunesse l'égalité de tous les citoyens devant la loi ? La première liberté qu e les parents ont le devoir de revendiquer pour elle, c'est la liberté de l'enseignement. Il y a cent ans que nos pères nous ont donné un bel exemple, en fondant l'Institution de Saint-Malo, pour assurer l'instruction chrétienne.

La célébration de cet anniversaire évoque en nous le souvenir des temps héroïques de notre glorieuse cité, où la cause de l'indépendance n'a jamais été vaincue. Nous saurons montrer que nous ne sommes pas des fils dégénérés; et c'est pourquoi je vous propose de boire au nouveau siècle de prospérité qui s'ouvre pour notre cher Collège de Saint-Malo, et aussi au futur centenaire de l'Association des anciens et des jeunes.

J'ai le regret de ne pas trouver au procès-verbal les paroles si spirituelles et amusantes de M. Charles La Chambre père qui provoquèrent une éloquente et combien brillante improvisation patriotique du Père Ollivier. Ces belles paroles suscitèrent bien quelques larmes, mais, comme elles furent saluées par des tonnerres d' applaudissements, longuement répétés !..

Et, maintenant, avant de passer à l'histoire proprement dite du nouveau siècle, qui s'ouvre plein d'espérance pour notre cher Collège, je ne veux pas laisser tomber dans l'oubli cette jolie pièce de vers composée par Louis Giblat, l'un de nos jeunes anciens. Lui-même en donna lecture à la réunion du centenaire, et il remporta le plus beau succès.

 

AU COLLEGE POUR SES CENT ANS

A un ANCIEN, M. Léon Houïtfe de La Chesnais.

Bonjour, mon Collège, bonjour

On dirait qu'aujourd'hui ta toilette est mieux faite

Te voilà brillant, neuf des pieds jusques au faîte ;

Pour saluer notre retour,

N'as-tu pas endossé ta parure de fête?

Bonjour, mon Collège, bonjour

Cher vieux, tu peux le voir, nombreuse est notre bande

Car nous avons appris que tu comptais cent ans,

Que tu lèves déjà ton front dans la légende,

Et que le Dieu des temps

T'a fait la part bien grande.

Mais finissons de rire,

Bon grand-père,.Collège, et respirons la fleur,

L'essence du parfum que mon âme respire

Et dont tu nous remplis le cœur.

Oui, finissons de. rire, et pensons aux tendresses,

Aux heures d'amitié, de conseils, de caresses,

Aux mille attentions dont tu nous entouras.

Tu nous vis tout petits. L'époque de l'enfance

Est l'époque où le cœur se livre sans défense,

Et nous redevenons des petits dans tes bras !

Nous écoutons, pieux, ta voix, qui nous rappelle

Tant de voix qui, parlant à nos âmes du Beau,

Jetaient dans nos esprits la lueur du Flambeau

Et l'on priait si bien, si bien dans ta chapelle

Là, tous, jeunes et grands,

Et maîtres, et parents,

Unis devant l'autel où scintillait la flamme

Des feux de cire blanche, en de mêmes transports,

Nous chantions le Seigneur, nous devenions plus forts,

Et nous n'avions qu'une âme

Mais cette âme demeure, ô vieux Collège aimé

Si tes petits s'en vont sur différentes routes,

Tu restes le torrent dont ils seront les gouttes

Car c'est de tous nos cœurs que ton cœur est formé.

En nous tu passeras à travers tous les âges

Ton souffle inspirera nos actes les plus saints,

Et nous emporterons de ton sein dans nos seins

Ton auguste croyance en dépit des orages.

Oui, ton âme demeure, ô sublime vieillard

Qui nous appris hier à suivre la devise

De nos pères : « Dieu ! France ! » Et malgré le brouillard

Des lointains, ta pensée en nous s'immortalise.

Le respect, semble-t-il, devrait planer sur nous

Et modérer l'ardeur trop tendre ,

De tes enfants gâtés - nous savons nous entendre

Qui te parlent sans gêne, assis sur tes genoux.

Mais quel respect veux-tu qu'on te garde, grand-père,

Grand-père aux cheveux, blancs ? tu connais tes enfants.

Que l'on chante avec toi ta vieillesse prospères

Qu'on rappelle nos jeux, nos « jadis » triomphants,

Qu'on te câline enfin, point tu ne le défends.,

Que d'autres devant toi s'inclinent jusqu'à terre,

Ton prestige sacré les invite à se taire!

Soit ! Mais, nous, les bavards, nous voulons te bénir,

Avec des cris de joie et d'un cœur moins austère

Nous accourons ouvrir les coffres du mystère

Où tu gardes pour nous ton trésor : Souvenir.

.....................................................

Ah ! je découvre ici notre salle d'étude.

Le maître nous couvrait de sa sollicitude

Bien sévère parfois ! Nous étions si gamins,

L'encre coulait à flots plus souvent sur nos mains,,

Et nos beaux habits neufs que dans la docte plume

Qui devait en français. traduire tel volume

De Virgile ou d'Homère ! Autant de parchemins

Indigestes et noirs !, Nous étions si gamins

Je retrouve plus loin la classe de seconde,

Et d'autres, vieux échos de science profonde,

Car notre professeur avait pour Ménélas

Une estime que nous ne goûtions, point, hélas

Bien souvent la leçon se lisait dans un livre

Entr'ouvert sur le banc ; un voisin la soufflait,

Puis, ne pouvant nous suivre,

Rentrait dans le silence. Alors, v'lan, un soufflet,

Querelles, coups de pied échangés sous la table

C'était une façon de nous mettre d'accord ! ! !

Oui, ton âme demeure, et puissent les instants

Si doux que nous avons vécus dans ta - retraite

Revivre en nos enfants. Va, que rien ne t'arrête

Que ces cent ans ne soient que tes premiers cent ans

Que ton verbe s'étende et porte l'espérance

Au siècle que l'erreur étreint dans ses barreaux.

Le siècle meurt d'orgueil, d'oubli, d'indifférence.

Donne-nous des croyants, donne-nous des héros

L. GIBLAT.

 

La première année du nouveau siècle de notre cher Collège fut marquée, dès le 8 février 1903, par la bénédiction des nouveaux bâtiments, dont la première pierre avait été posée le 26 juillet 1898. Sous le Pontificat de Léon XIII, ce fut le Chanoine Charost qui, délégué spécialement par le Cardinal Labouré, procéda à la bénédiction.

 

« Avec une grande solennité, sous le hall central, cette bénédiction s'est faite

devant un grand nombre de notabilités, de bienfaiteurs et d'amis du Collège, qui

ont tenu à témoigner leur sympathie à l’œuvre de l'enseignement catholique et se

réjouissent de voir prospérer la fondation faite en 1802. M. le Chanoine Charost a

profité de cette circonstance, pour remercier au nom de Son Eminence tous ceux

dont les talents et la générosité ont permis d'achever avec succès une oeuvre aussi

importante et aussi difficile ... » . (A. Frangeul).

 

La réunion des Anciens, qui eut lieu le 29, juillet 1903, arriva deux ou trois jours après la mort du grand Pape Léon XIII. Ce deuil jeta sur tous un voile de tristesse, et nous empêcha de célébrer avec toute la joie que nous aurions désiré, le 21' anniversaire, la « -majorité » de notre chère Association. Lisez cependant cette belle page, toute remplie d'émotion et d'amour pour son vieux Collège, que l'Abbé Bondon écrivit à cette occasion, dans le Bulletin de la Société, car elle ne mérite pas rester dans l'oubli.

 

« Dans notre Assemblée générale, le 22 juillet 1902, nous avions célébré, on se rappelle avec quelle splendeur, le centenaire de notre cher Collège. Lorsqu' arrive, dans une famille, la fête du grand-père, tous les enfants et petits-enfants, que les circonstances et les nécessités de la vie ont parfois séparés depuis longtemps et disséminés sur tous les points du globe se rassemblent au foyer paternel où s'écoula leur enfance. Les aines complimentent la verte vieillesse de l'aïeul; les plus jeunes,

 

Douces âmes à peine au jour épanouies,

Des rayons de leur aube encor tout éblouies.

 

grimpent sur ses genoux, et, dans leur naïf et délicieux langage, lui expriment à leur tour leurs sentiments d'affection et de respect.

 

Leurs fronts pleins de candeur qui disent toujours oui,

L'éclat de rire, franc, sincère, épanoui,

Qui met subitement des perles sur leurs lèvres,

 

réjouissent le cœur du vieillard; son regard attendri s'abaisse avec amour sur ces blonds chérubins, et

Son âme se réchauffe à leurs douces haleines.

 

Ainsi, pour fêter le centenaire du « bon grand-père Collège », ses fils et petits-fils s'étaient empressés d'accourir dans cette maison tant aimée où s'écoulèrent les plus belles année-s 'de leur jeunesse et dont, ni le temps, ni la distance n'avaient pu leur faire perdre le pieux souvenir. Les aînés, par la voix du plus illustre d'entre eux, avaient exalté, avec une éloquence sublime, le glorieux passé de l'ancêtre; un des jeunes, délicat poète, avait rappelé, en des vers gracieux et spirituels, les souvenirs du, bon vieux temps

Ce temps où l'on priait si bien dans la chapelle

Là, tous, jeunes et grands,

Et maîtres et parents,

Unis devant l'autel où scintillait la flamme

Des feux de cire blanche, en de, mêmes transports,

Nous chantions le Seigneur, nous devenions plus forts,

Et nous n'avions qu'une âme

Enfin, les derniers-nés de la famille, en des chants et des accords d'une harmonie délicieuse, avaient charmé et réjoui le cœur de l'aïeul, et lorsque le moment de la séparation fut arrivé, tous avaient -dit au revoir au « bon grand-père Collège », en lui répétant avec le poète, leur camarade

 

Que ces cent ans ne soient que tes premiers cent ans

 

Nous comptions que cette belle fête aurait un lendemain. Notre Association n'allait-elle pas entrer, en 1903, dans sa vingt-et-unième année, et ne convenait-il pas de célébrer avec quelque éclat sa majorité? Hélas ! l'homme propose et Dieu dispose ! Sa Providence, qui sait ménager des rayons de gai soleil- pour le sombre hiver de la vieillesse, se plaît parfois à tenter les forces audacieuses. de la virilité. Notre Association a connu ces épreuves. Quelques jours seulement avant notre réunion générale, le 20 juillet 1903, le grand pape Léon XIII, après avoir lutté pendant plus de deux semaines avec la mort assise à son chevet, venait de s'éteindre doucement, achevant saintement une vie extraordinairement longue et tout entière consacrée à la gloire de Dieu et au salut des âmes.

Les Anciens Elèves du Collège de Saint-Malo ne pouvaient être indifférents à la mort d'un Père vénéré. et surtout aimé de tous ses enfants. « Fils soumis de l'Eglise, ainsi que le dira plus tard notre Président, nous étions en deuil avec elle ! »

Hélas ! ce n'était pas la seule mort que nous eussions à déplorer. Six mois auparavant, le 12 décembre 1902, celui que nous appelions « le bon père Poulain » avait rendu sa belle âme à Dieu.

Ce n'est pas ici le lieu de raconter la vie de ce maître aimé et vénéré entre tous, de ce professeur à l'esprit si élevé et au coeur si bon, de ce directeur à la conscience si droite et à la piété si profonde, de ce prêtre enfin selon le coeur de Dieu, dont les religieux enseignements ont laissé dans les âmes de tous les élèves qu'il a formés pendant plus de vingt-cinq ans une impression à jamais ineffaçable. D'autres, plus autorisés que nous, ont retrace cette belle vie, et les discours de M. le Président et de M. le Supérieur,. que nous rapportons ci-dessous, montreront mieux que nous ne saurions le faire toute l'étendue de la perte qu'ont éprouvée notre Association et notre Collège en la personne du bon M. Poulain.

Pour nous, ses Anciens Elèves, qui l'avions tant aimé et à qui il avait réservé la meilleure part de sa tendresse, pour nous qui l'avions pleuré comme on pleure un père, cette réunion à laquelle il manquait pour la première fois ne pouvait que raviver en nos cœurs son souvenir toujours si cher. 

Ajoutons enfin que la santé de M. le Supérieur, très éprouvée depuis plusieurs mois, nous inspirait encore quelques inquiétudes, et que nous nous demandions avec anxiété s'il pourrait assister ,à notre réunion.

Nous n'avions pas non plus le plaisir de voir cette année à nos côtés les jeunes élèves du Collège, dont la présence et les chants harmonieux avaient tant contribué à l'éclat et à la gaîté de nos réunions précédentes.

Pour ces diverses raisons, si la majorité de notre Association ne fut pas célébrée avec toute la splendeur que nous avions rêvée, cette réunion de 1903 fut, par contre, la plus recueillie et la plus pieuse de toutes nos Assemblées générales, et c'est là ce qui en fait le caractère distinctif ».

En 1906, lors de notre assemblée générale, l'un de nos camarades, Eugène Herpin, vient de voir l'un de ses livres décoré par l'Académie Française. Notre Principal le Chanoine Gayet le félicite de son succès avec une vive délicatesse; et le lauréat, qui deviendra dans la suite professeur de Rhétorique et Président des Anciens, mis en verve par l'aimable témoignage de sympathie qu'il vient de recevoir du Principal et de ses anciens camarades, nous redonne, et avec tout son cœur, une jolie œuvre de jeunesse, consacrée à son cher Collège, qui remporte elle aussi un grand succès.

 

LA CLOCHE DU COLLEGE

            (Aux Anciens)

Au-dessus de son tout vieux porche,

J'aime entendre chanter la voix,

La voix pimpante de la cloche

Elle chante comme autrefois

Voici l'aurore qui s'éveille.

Dingdindon ! Mes pauvres petits,

Murmure-t-elle à votre oreille,

Quittez la douceur de vos lits.

Descendez vite à la chapelle,

Car déjà dans le beau ciel bleu,

Autour du clocher de dentelle,

Chantent les oiseaux du bon Dieu.

Dingdindon ! C'est l'heure d'étude.

Enfants, maintenant, taisons-nous !

je le sais bien, la tâche est rude,

Le soleil d'or brille si 'doux !

Le soleil d'or, c'est ton bon ange

Qui, près ton visage pâlot,

Chante de sa voix de mésange

« Tu décrocheras... ton bachot;

« Puis, réalisant l'espérance

« Qui sourit-dans ton coeur ardent,

« Tu seras officier de France,

« Tu seras prêtre, mon enfant.

« Tu seras,ce que veut ton rêve,

« Tu seras un vaillant marin,

«  Ce que veut la vision brève

« Qu'ensoleille ton frais matin. »

***

C'est la fête de mon Collège.

Il me faut rajeunir ma voix

Pour saluer le beau cortège

De tous mes enfants d'autrefois

Pour leur donner le doux mirage

Qu'ils ne sont pas devenus vieux,

Qu'ils ont toujours leur frais visage,

Qu'ils ont toujours leurs blonds cheveux.

Dingdindon ! je me mets en danse.

Dingdindon ! tous mes beaux Messieurs,

Je vous fais bien la révérence !

Mais pourquoi cet air soucieux ?

Vous dites que, dans mon Collège,

Des politiciens méchants

Veulent d'une loi sacrilège

Frapper l'âme de nos enfants

Qu'ils veulent en changer les maîtres,

Et s'emparer de ce saint lieu,

Et qu'ils ne veulent plus de prêtres,

Et qu'ils ne veulent plus de Dieu

 

Ah ! si jamais leur bras se dresse

Vers mon aérien séjour '

Dans. un long sanglot de détresse

Je tinterai mon dernier jour ;

Au bruit de leurs grands coups de pioches

Je m'envolerai vers les cieux ;

Dans le beau paradis des cloches,

Je m'en irai... prier pour eux

 

De 1900 à 1914 nous avons vu plusieurs supérieurs se succéder à la tête du Collège. M. le Chanoine Gayet, devenu curé de St-Germain de Rennes, puis vicaire général, nous, arrivait du Grand Séminaire où, pendant plusieurs années, il avait été professeur de Sciences. Il s'appliqua de toutes ses forces à organiser et développer cette branche d'étude qui avait jusqu'à présent été un peu négligée au Collège dg Saint-Malo; et, pour bien montrer ses intentions, il offrit comme cadeau de bienvenue un laboratoire de chimie et un grand nombre d'instruments de physique au Collège; et, longtemps après son départ, il continua par sa grande générosité à montrer au Collège toute son affection. La chapelle eut à se féliciter de sa bonté, car Dieu seul peut savoir tous les ornements d'autel et tous les objets du culte dont il l'a comblée. Il contribua ainsi à augmenter la beauté et le faste de nos cérémonies religieuses et à attirer plus nombreux encore les parents des élèves dans la chapelle du Collège.

 

Le Chanoine Gayet fut remplacé en 1907 par un professeur d'Histoire particulièrement aimé des élèves et des parents, M. l'Abbé Gallais. Malgré l'état très précaire de sa santé, il se dépensa de toutes ses forces au bon renom de son Collège; et il eut sur tout son entourage une énorme influence, dont il a déjà été parlé au début de cette étude.

 

Ce fut le Bon Père Béziel qui, au décès de M. le Chanoine Gallais, devint notre Principal; on a dit de lui qu'il fut le Principal de la guerre; ce qui est certain, c'est que, pendant les jours tragiques de 1914 à 1918, il sut merveilleusement faire respecter les droits de son Collège, et c'est grâce à sa douce ténacité que la maison ne fut pas fermée. On voulait mobiliser le Collège et le mettre à la disposition du Service de Santé. Aidé des sénateurs Lemarié et Gasnier-Duparc, et de son ancien élève Charles Guernier, il fit remarquer à l'autorité militaire que son Collège était tout aussi utile que celui de Saint-Servan; et qu'il serait souverainement injuste de lui prendre tous ses bâtiments, alors qu'on laissait entièrement libres les collèges de l'Etat. Une ambulance fut cependant établie au Collège, et 16 de ses professeurs. furent mobilisés; pendant toute la guerre, du Nord et de la région parisienne, une centaine de nouveaux élèves, particulièrement des pensionnaires, demandèrent leur admission. Le bon père Béziel arriva à tout réorganiser et surmonta comme en se jouant des difficultés qui paraissaient absolument insurmontables. Il eut recours à six professeurs civils dont deux étaient ses anciens élèves, et le troisième son ancien camarade. Et le méthodique Principal s'organisa de telle sorte, qu'au cours de cette guerre, qui dura cependant près de cinq ans, il n'y eut jamais, - il n'y eut pas une seule fois, - la moindre interruption dans les classes. Ce qui est certain, c'est que la population lui en garda et lui en garde encore une profonde reconnaissance. Elle fut du reste heureuse de le lui prouver lors de son jubilé sacerdotal, en organisant en son honneur des fêtes comme nous n'en avions jamais vues dans notre région.

 

L'ambulance du Collège fut organisée par Mme La Chambre, aussitôt après la bataille de la Marne, et elle reçut aussitôt un grand nombre de blessés, et bientôt, avec l'aide de la Société S.B.M., l'hôpital complémentaire 61 fut formé. Madame La Chambre, avec son grand dévouement et son inépuisable générosité savait aplanir toutes les difficultés; elle s'entoura. des mères et des sœurs des anciens élèves et de nombreuses personnes du pays; l'on peut dire en toute vérité, que son hôpital marcha à merveille depuis le début jusqu'à la fin. Les bonnes religieuses du Collège montrèrent elles aussi leur dévouement admirable en prenant la lourde charge de la cuisine des blessés, et cela en plus de tout leur travail quotidien, très alourdi par la présence d'une centaine de pensionnaires supplémentaires.

 

Trois salles qui servaient de dortoirs furent transformées en salles d'hôpital, et une quatrième servit de salle d'opération. Le troisième étage du Collège se trouvait donc entièrement réservé aux blessés. L'Abbé Grossetête, économe du Collège, fut nommé gestionnaire de l'hôpital 61; et dès lors, le bureau de l'économe devint celui du gestionnaire. En l'absence de Mme La Chambre, Mme A. Houïtte de la Chesnais prit la direction de l'hôpital. Mme Delacour, avec Mlles Dolley, Vigour, de la Chesnais, prirent la direction de la lingerie; Mmes Houssaye, Revert, de Villers, Ayon, Delestre et Macé, avec Mlles Rougelot, Radenac, Descottes, de Villers et Ayon, se chargèrent comme infirmières des salles de blessés, et elles furent aidées un peu plus tard par les Sœurs de l'Espérance.

L'Abbé Leport, après. être resté plusieurs années mobilisé au Collège, partit à Salonique; l'Abbé Carré fut interprète dans l'armée anglaise; l'Abbé Le Junter devint officier gestionnaire et Chevalier de la Légion d'Honneur; Mgr Coupel partit dans une ambulance; MM. Juhél, Huby, Auvray, Goger, Chevet, Pinel, Desmont restèrent comme infirmiers au Collège; et Mgr Cleret de Langavant partit dans le Service de Santé.

Autant qu'ils le purent, ces bons professeurs, mobilisés au Collège, continuèrent leurs cours aux élèves; aussi, méritent-ils toute la reconnaissance et du Collège et des blessés. Le rôle du Collège pendant cette guerre 'est tout à l'honneur des professeurs, des religieuses, des anciens élèves et de leurs familles; aussi, il eut été injuste de le passer sous silence.

Quant aux anciens élèves qui ont combattu pour la France et contribué, par leur dévouement, à remporter la victoire, le Livre d'Or du Collège, si joliment écrit par Y. Bazin, est un bien éloquent monument écrit à leur mémoire. Cent quarante-huit de nos anciens camarades sont morts pour la France, et la belle plaque commémorative élevée au parloir immortalise leurs noms et honore leur souvenir !

Pendant la guerre, il n'y eut évidemment aucune réunion des Anciens; mais dès 1919 nous avons repris nos anciennes traditions, et c'est au cours de cette première réunion d'après guerre qu'il fut décidé de placer une plaque commémorative de nos morts, et d'écrire leur Livre d'or. A la réunion du 19 juillet 1920, le bon Chanoine Béziel, notre Principal, nous disait :

« Nous n'oublions pas nos morts de la guerre, j'avais pensé que la plaque de marbre sur laquelle leurs noms seront gravés aurait été placée au parloir pour la réunion d'aujourd'hui. Les renseignements ne sont pas venus assez vite, et il y a des décorations posthumes, celle de Félix Avril par exemple. Je puis dire, toutefois, qu'à l'heure actuelle, tous les renseignements nécessaires sont arrivés, et. notre architecte fera exécuter le travail très prochainement. Ce que je dis, de la plaque de marbre, s'applique au Livre d'or. Celui qui doit écrire ce livre a, eri ce moment, tous les documents dont il a besoin, et il va se mettre à la besogne sans tarder. je donne ces détails, afin que tous sachent bien que nos glorieux défunts ne sont jamais absents ni de nos préoccupations ni de notre souvenir.

Vous ne serez pas surpris que j'aie un vif souci de l'avenir de notre maison. Le Président de notre Société Civile me parle souvent du petit Collège. Il y a là, de l'autre côté de la rue, des vieilles maisons à démolir, des constructions à faire. Je fais des veux pour que la Société Civile réussisse dans son entreprise. Et pendant que nos propriétaires songent à l'achèvement de notre Collège, je pense souvent que nos élèves doivent trouver chez nous tout ce qui leur est nécessaire pour se préparer aux diverses carrières auxquelles ils se destinent. C'est pourquoi, tout ' en maintenant, jalousement, les études classiques, les meilleures toujours pour la formation d'un homme, nous donnerons de plus en plus tous nos soins à l'étude des langues étrangères, des, sciences, à la comptabilité, au dessin, afin que les enfants destinés au commerce, à l'industrie, à l'agriculture, à l'administration, à. la marine, aient chez nous, comme ils les ont déjà, tous les cours préparatoires qui leur sont indispensables.

Je porte, en terminant, la santé de tous les membres, sans exception, de notre belle Association, la santé en particulier de nos chers et si dévoués présidents, celle de M. La Chambre, de mon ami M. l'Archiprêtre, qui présidera nos prix dei-nain, la santé du P. Populaire, qui a,dit la messe des anciens et qui est aussi l'une de nos gloires »..

A la réunion du 19 juillet 1921, après l'absoute, Mgr Charost se rendit processionnellement au parloir au milieu d'une assistance respectueuse. Là, M. le chanoine Béziel fit l'appel des 146 anciens élèves « morts pour la Patrie » comme le murmurent pieusement en répons de grands collégiens.

Puis M. C. La Chambre, le distingué président de l'Association, exalte en ces termes, et au milieu de l'émotion, générale, le sacrifice de ces héros :

« L'appel lancé naguère par le Comité de l'Association des Anciens Elèves du Collège de Saint-Malo, pour la commémoration des Camarades morts pour la France,. a trouvé l'écho de tous les cœurs.

C'est ainsi que grâce à la générosité avec laquelle chacun de vous y a répondu, l’œuvre artistique qui se dresse devant vous a pu s'exécuter.

J'ai donc aujourd'hui l'insigne honneur de remettre, au nom de notre Association, ce monument du souvenir, à la garde de Monsieur le Supérieur, qui représente le Collège tout entier.

Cette cérémonie acquiert la plénitude de son expression par la présidence si hautement appréciée de Mgr le Coadjuteur de S.E. le Cardinal-Archevêque de Rennes. Nous ne saurions oublier, en effet, qu'aux plus sombres jours de la captivité lilloise, S.G. Mgr Charost a noblement défendu contre l'ennemi barbare la cause sacrée de la justice et du Droit, et qu'il a su maintenir sans défaillance le moral des âmes dont il avait la charge, à la hauteur du courage déployé par nos soldats. Il représente ainsi à nos yeux le symbole du patriotisme qui ne veut pas désespérer de la Patrie.

 

Sur les plaques de marbre de ce mémorial, sont gravés pour jamais les noms immortels de cent quarante-six de nos camarades qui, au cours de la grande guerre, ont donné leur vie pour la Patrie!

 

Aussi, est-ce dans un deuil commun que nous sommes assemblés ici pour honorer leur glorieuse mémoire, en union intime de sentiments avec leurs familles affligées que nous saluons respectueusement.

 

Pour eux, en effet, le Collège n'était-il pas comme une seconde famille agrandie ?

 

C'est dans ces salles, c'est sur ces bancs que s'est passée leur enfance. Ici, sous la direction des maîtres éclairés qui les ont guidés, leur intelligence s'est ouverte, leur esprit s'est formé, leur âme s'est trempée.

La plupart d'entre eux débutaient à peine dans la vie lorsque retentit en 1914 l'appel aux armes.

Ils s'y rendirent avec le bel élan de leur jeunesse, et ils retrouvèrent aussitôt en eux-mêmes toutes les mâles vertus de leurs ancêtres.

Que ce soit à la bataille de la Marne, ou à l'assaut du Labyrinthe, ou bien à la défense de Verdun, ou encore sur quelque autre point de l'immense front de bataille, ils prirent part aux plus rudes combats dans lesquels les régiments de notre région bretonne, suivant le témoignage de nos plus grands chefs, se couvrirent de gloire !

Ils connurent ainsi les heures les plus dures de la guerre, en ayant le sentiment qu'ils soutenaient, comme le guerrier de l'antiquité, la lutte décisive pro aris et focis.

Pour Dieu, pour la Patrie, ils eurent enfin le courage de consentir le suprême sacrifice, et lorsqu'ils tombèrent pour ne plus se relever, soyez assurés que leur dernier regard s'est tourné vers le foyer familial, vers le clocher natal, et vers le collège de leur enfance !

Qui de nous, jusqu'à son dernier souffle, ne se souviendra avec une reconnaissance sans égale, avec une piété attendrie, de leur sacrifice sublime auquel notre Bretagne doit d'avoir été préservée de l'envahissement, et la France d'être encore la France ».

 

En 1923, le 17 juillet, M. La Chambre, notre Président nous fait un résumé très précis de la vie du Collège au cours des deux dernières années. Je ne puis mieux faire que de lui donner la parole.:

 

« Mes Chers Camarades et Amis,

 

Parmi les événements qui ont intéressé la vie du Collège au cours de la. dernière année, il cri est un auquel je veux m'arrêter tout d'abord, parce qu'il domine tous les autres et qu'il concerne le plus haut protecteur de cette Maison.

La nouvelle de l'élévation de Mgr l'Archevêque de Rennes, Dol et St-Malo à la suprême, dignité du Cardinalat a été accueillie dans le Diocèse tout entier avec des sentiments de joie profonde et de légitime fierté. Nous surtout, nous n'avons garde d'oublier la sollicitude particulière, et même la prédilection que Mgr Charost a toujours témoignées à notre Collège; aussi suis-je certain d'être l'interprète de tous les Membres de l'Association des Anciens Elèves en demandant à M. le Supérieur de présenter à Son Eminence le Cardinal-Archevêque nos félicitations les plus respectueuses avec l'assurance de notre filial attachement.

Sans sortir du domaine des dignités ecclésiastiques, si nous rentrons maintenant dans l'enceinte de notre Collège, nous avons une seconde occasion de nous réjouir, en comptant un nouveau Chanoine honoraire parmi les Membres du corps enseignant de l'institution.

Par l'étendue de ses connaissances, par l'ardeur apostolique avec laquelle il se consacre depuis de longues années à sa mission, M. l'abbé Bondon était des mieux qualifiés pour recevoir la distinction dont il vient d'être l'objet. A ces divers titres, il en joint un autre qui nous touche particulièrement, celui de secrétaire général de notre Association. Nous l'apprécions hautement pour l'avoir vu si souvent à l’œuvre, et nous lui sommes reconnaissants de tout le dévouement qu'il nous donne sans mesure.

D'autre part, ce n'est pas sans un profond regret que nous avons vu s'éloigner du Collège une personnalité sympathique entre toutes, qui avait dirigé avec sa longue expérience le ministère des finances de cette Maison, et qui, pendant les années terribles, s'était montré le gestionnaire modèle de l'hôpital auxiliaire installé dans ces murs. M. l'abbé Grossetête a été appelé, selon ses désirs, à exercer le Ministère paroissial, et dans la circonstance je ne sais qui nous devons féliciter le plus, du nouveau Recteur de Langon pont- sa nominations ou bien des paroissiens qui ont aujourd'hui le privilège d'avoir un tel Pasteur !

Pour lui succéder dans cette maison, M. l'abbé Coupel a été choisi par Son Eiiiinence. A la fin de ce banquet ou pour mieux dire de ce festin, nous serions doublement des ingrats si nous ne rendions pas hommage aux mérites du nouvel Econome, qui vient de se révéler à nous si bon ordonnateur et si généreux dispensateur. Toutefois, si j'interprète bien sa pensée, ce bien-être qu'il s'est plu à nous procurer est à ses yeux, non pas une fin mais un moyen. Avec la haute compréhension qu'il a de ses devoirs, il se préoccupe en effet de montrer à tous que le pain quotidien n'est pas seulement formé de l'aliment matériel destiné à réparer nos forces physiques, mais qu'il est en même temps et surtout la nourriture spirituelle qui doit fortifier et ennoblir les facultés de notre âme. Et par surcroît, M. l'Econome possède le secret d'une recette de qualité supérieure, grâce à laquelle il réussit à gagner le cœur de tous ceux qui l'approchent !

Enfin, nous avons maintenant à adresser de chaleureuses félicitations à M. le Principal et au Conseil de, la Société Immobilière qui, avec l'agrément de l'Archevêché, ont entrepris la lourde tâche de reconstruction du petit collège. Certes le départ a été laborieux, mais il a suffi ensuite à M. le Supérieur de frapper de sa baguette sur le rocher l'Aaron, et aussitôt la source , des concours a jailli de nouveau pour l'aider à mener à bien la partie essentielle de cette grande oeuvre.

Déjà les nouveaux murs se dressent, et dans moins d'une année les jeunes élèves jouiront de classes, spacieuses, parfaitement aménagées, à proximité d'une vaste cour de récréation et d'un confortable préau.

S'i1 y a encore des malades, ce dont je doute, ils seront recueillis dans une infirmerie complètement isolée à un étage, et pourvue, comme on dit, de tout le « confort moderne ». La difficulté ne sera pas de les y admettre, mais elle surgira plutôt lorsqu'il s'agira de les décider à en sortir.

A la suite de ces transformations successives, il semble à première vue qu'il ne sera bientôt plus de mise de parler, comme nous en avions coutume, de « notre vieux collège », tant il va se trouver rajeuni; et cependant si nous examinons plus attentivement les diverses parties dont se compose j'ensemble de l'édifice, ne découvrons-nous pas que ces pierres d'époques différentes gardent chacune un langage qui leur est propre, et que ce langage est la traduction de l'histoire même du Collège ?

Ainsi les solides murailles en pur granit de l'ancien hôtel « Lefer de Beauvais »,

du nom de son généreux donateur, ont abrité il y a plus d'un siècle, le berceau du Collège, et c'est dans ce cadre à la fois sévère et majestueux que se sont formés, sous l'inspiration de ses fondateurs, la règle et l'esprit de l'institution de Saint-Malo, restée depuis lors toujours en honneur.

Cinquante ans plus tard, fut édifiée, par les soins de la Ville et à ses frais la chapelle actuelle avec ses dépendances. La jouissance gratuite en fut donnée au Collège comme un témoignage officiel de la haute estime accordée par le Conseil municipal et la population à l'Établissement ouvert à la jeunesse de la région malouine.

A travers toutes les vicissitudes, ce sentiment d'entente réciproque entre les représentants de là Ville et l'administration du Collège n'a pas cessé de prévaloir.

Si bien qu'à la fin du siècle dernier comme à l'époque actuelle, cet accord a permis à la Société Immobilière d'entreprendre l’exécution du vaste plan de reconstruction qui va classer définitivement cet établissement parimi les mieux aménagés de tout le Diocèse.

En voyant aujourd'hui l'unité de l’œuvre qui s'est poursuivie à travers les âges et qui est en voie d'achèvement, nous pouvons encore mieux juger de la sagesse de nos pères qui ont bataillé autrefois avec ardeur pour le maintien du collège sur son emplacement primitif, au cœur même de la cité !

Où, mieux qu'ici, en effet, le collège pourrait-il conserver l'esprit de tradition qui fait sa force et la sûreté de son enseignement, dans cette ville si riche de souvenirs où chacun des édifices et pour ainsi dire chaque maison a un long passé instructif; dans cette ville qui sait rester vraiment fidèle au culte de ses grands hommes et de ses morts glorieux; dans cette ville enfin où, depuis tant de siècles, brûle, jour et nuit, le flambeau de la foi chrétiennes aux pieds de la Vierge vénérée de la Grand' Porte, protectrice de la cité !

Loin de nous cependant la pensée d'enfermer la tradition dans des formules rigides et immuables, hors du temps et des circonstances qui nous environnent.

Bien au contraire le corps enseignant de cet établissement a toujours montré la préoccupation d'accorder la tradition avec le progrès, aussi bien dans le domaine matériel que dans le domaine scientifique ou moral.

Car, à tout bien considérer, la tradition n'est-elle pas la consécration du progrès d'hier, et le progrès actuel ne deviendra-t-il pas la tradition de demain ? ».

Dans nos annales de 1925, notre secrétaire perpétuel, le cher Abbé Huby, fait ce joli et aimable tableau de l'Ancien Élève du Collège de Saint-Malo. Le portrait est peut-être un peu embelli, mais, même si vous ne vous y reconnaissez pas, il vous fera plaisir :

« Les peuples heureux n'ont pas d'histoire ». La joie d'un jour vécu dans une douce camaraderie ne se traduit pas, et là tâche du chroniqueur est particulièrement difficile. Il lui faut rendre les impressions fidèles d'une réunion d'amis, exprimer les sentiments intimes et infiniment variés, perçus par tous les cœurs présents, faire revivre les tressaillements d'allégresse des Anciens, jeunes et vieux, unis par les liens sacrés d'une affection sincère.

Rôle ingrat, mais devenu plus aisé, si l'interprète laisse parler son propre cœur; les émotions de l'un ne sont-elles pas celles de tous ! Oui, car nous portons tous la même empreinte. Sur les banc ' s du vieux Collège aimé, nous avons puisé aux mêmes sources fécondes, et à travers les vicissitudes et les hasards de la vie, le même esprit demeure. Tels furent nos devanciers, tels nous sommes.

Au cours d'un long siècle, dans toutes les générations d'élèves, se trouve toujours la fidélité du cœur.

Sur le chemin, si vous rencontrez un homme au regard franc et clair, à l'âme droite, à l'esprit plein d'initiative, indépendant, légèrement frondeur, au cœur généreux, vous pouvez sans crainte serrer sa main loyalement tendue, c'est un Ancien du Collège de Saint-Malo : Ayez confiance en lui; il est homme d'honneur. Ainsi nous ont formés nos maîtres, dignes héritiers des traditions de piété et de savoir léguées par notre saint Fondateur et son illustre frère, Féli.

Et ma pensée évoque les tendres souvenirs de mon heureuse adolescence passée au contact d'éducateurs d'élite-. Ils orientèrent mon âme vers le sacerdoce pour continuer, après leur mort, l’œuvre de toute leur vie : l'enseignement chrétien. Ils étaient bons,'dévoués, instruits, attentifs à nos efforts, heureux de nos succès, partageant nos chagrins. Il est peu de, collèges où les cœurs des maîtres et des, élèves soient plus unis, plus liés. Je fus aimé et ma seule joie a été d'aimer à mon tour, sans mesure, ceux à qui j'ai consacré le meilleur de mes forces et mon entier dévouement.

Cette joie se double d'un bonheur égal : celui de me sentir aimé. Nos élèves sont si affectueux, si reconnaissants.

Pas n'est besoin de longues années dans le collège pour faire naître cette gratitude. je rencontrai ces jours derniers un jeune Ancien -venu vers la fin de la guerre terminer chez nous ses études philosophiques :

« Eh bien ! lui dis-je, vous me paraissez fort joyeux, quel bon vent vous amène ici ? »

« Je suis en cours de voyage je fais un crochet pour respirer quelques heures l'air du vieux Collège et saluer mes maîtres. »

« Vous nous aimez donc beaucoup et cependant vous ne nous avez connus qu'un an. »

« Cela suffit, Monsieur. Longtemps j'ai vécu dans un collège de ma lointaine province, et certes, je l'aime ! Mais vous avez gardé une partie de mon cœur. J'ai trouvé ici, plus qu'ailleurs, la vraie vie de famille ».

Et cela est vrai.

Pardonnez, chers camarades, mon insistance sur un tel sujet. Après une longue carrière, les cheveux blanchissent, les sentiments du coeur s'affinent, et le besoin nous presse de crier notre inaltérable amour à. la chère Maison et aux bons Maîtres à qui nous devons les heures les plus suaves et les plus douces de notre vie ».

Pendant les vacances de Pâques, M. le Chanoine Béziel a été remplacé à la tête du Collège par l'Abbé Grossetête; voici en quels termes M. La Chambre, notre président, fait revivre son souvenir aux applaudissements de tous les anciens :

« En Malouins francs et fidèles, nous avons à cœur de rendre un juste tribut d'hommage à la persévérance, à la ténacité toute bretonne, avec lesquelles M. le Chanoine Béziel sans se laisser rebuter par les difficultés de l'heure, est parvenu' à grouper tous les concours, et s'est fait l'artisan infatigable de l’œuvre de reconstruction du petit Collège si heureusement accomplie.

Pendant ses quarante années de présence dans cette maison, il a consacré un dévouement sans réserve à instruire et former de nombreuses générations d'élèves qùi se sont succédés sur ces bancs; il les a suivis ensuite dans la vie avec une constante sollicitude, et vous vous rappelez 'quel souci il prenait de nous entretenir chaque année des études, des travaux dans lesquels certains étaient particulièrement distingués.

Aussi suis-je assuré d'être le sincère interprète de vos sentiments en adressant à M. le Chanoine Béziel le témoignage de la très vive reconnaissance, de l'Association des Anciens Elèves ! ».

En 1933, nous devions fêter les noces d'or de l'Association des Anciens Elèves; aussi nos camarades furent-ils invités à venir particulièrement nombreux assister à la réunion :

« Dans nos églises de campagne, à certains jours, les cloches semblent prendre une âme et devenir vivantes, pour chanter avec le vieux sonneur les joies ou les peines de la paroisse. Elles prennent parfois un accent si triste, que leurs glas semblent des pleurs et des sanglots déchirants; et le tocsin, un appel désespéré pour demander du secours; mais, le lendemain, c'est la joie qui déborde; car elles chantent, elles chantent avec allégresse les jeunes époux qui vont s'unir devant les autels, ou le joyeux baptême depuis si longtemps attendu !

Aujourd'hui, ma petite plume, c'est toi qui remplace la cloche du Collège, et il te faut sonner les premières vêpres des noces d'or de notre chère Association amicale. Il faut donc qu'à l'exemple du vieux sonneur, je fasse passer en toi toute mon âme ! je veux que tes accents soient entendus par les anciens de tous les coins de la France; je veux que tu vibres jusqu'en Angleterre, au Canada, en Egypte, au Tonkin, et que tu ailles toucher le cœur de tous nos camarades ! Oui, va-faire revivre en eux tous ces vieux souvenirs si pleins de charmes des années de Collège, qui dorment pieusement dans le cœur ! Lance-leur de vibrants appels, afin que tous veuillent être présents aux fêtes des noces d'or, au jubilé de notre chère Association. »

 

Beaucoup répondirent à cet appel ! La réunion du 11 juillet 1933 fut présidée par Mgr Mignen,, archevêque de Rennes; et l'un de nos anciens, Charles Guernier, nous, fit pour la première fois l'honneur de sa présence. L'ancien Ministre des Postes et des Travaux Publics, après avoir salué le bon Chanoine Béziel, nous dit tout ce qu'il lui devait, tout ce don il était redevable au Collège : « Dans ce cher Collège, j'ai appris à penser, à juger sainement, à vouloir. De mes succès dans la vie, je vous suis redevable. Recevez ici . mon merci profondément sincère ». Ce fut un de nos anciens, devenu Principal du Collège, et dans la suite Evêque d'Arras, M. l'Abbe Perrin, qui lui répondit-avec cette éloquence et ce style charmant qu'il a conquis et développé sur les bancs de notre cher Collège. Puis, Mgr Mignen exalta dans une belle envolée les bienfaits de l'éducation chrétienne, et sollicita l'union de toutes les familles, dans la lutte pour le droit et pour la liberté.

Notre vieil et bon ami Henri Colas, directeur de « Nos Chansons Françaises », n'ayant pu se faire libre, chargea son cousin, « Le Père Colas », de nous lire la pièce de vers qu'il avait composée pour la circonstance. Ces vers, animés du plus pur sentiment chrétien et inspirés par son amour du vieux Collège, furent très applaudis et obtinrent le plus grand succès. Juges-en plutôt :

LE VIEUX COLLEGE

Aimons-le de toutes nos forces,

Soyons-lui fidèles toujours,

Sans abandon et sans divorces,

Il à tant droit à nos amours

Après nos pères et nos mères,

Quelquefois même y suppléant,

C'est lui qui fit des âmes fières,

De nos âmes frêles d'enfants

Nous lui devons la Foi robuste,

Dont s'éclaire notre chemin,

L'Espoir entêté qui s'incruste,

Et nous soutient jusqu'à la fin

Et surtout, ô cher Vieux Collège,

Nous te devons la Charité,

Ce feu divin qui nous protège

Et nous aide à vivre en beauté

Bien sûr, humains comme les autres,

Comme eux nous avons nos défauts,

Et leurs faiblesses sont les nôtres,

Nous portons chacun nos fardeaux

Mais nous gardons au fond de l'âme,

Je ne sais quoi d'inviolé,

Qui nous vient de toi, de ta flamme,

Dont notre ciel reste étoilé !

Tu nous défends contre nous-mêmes,

Dans la lutte où l'âme est en jeux ;

Nous sentons bien que tu nous aimes,

D'un amour fort et selon Dieu.

C'est le granit de tes murailles,

C'est l'infini de l'Océan

Qui nous arma pour les batailles,

Et les fureurs de l'ouragan ;

C'est la science de tes maîtres,

Qui nous fit de fiers Citoyens,

C'est la sainteté de tes prêtres,

Qui fit de nous de bons Chrétiens.

Dieu soit béni du privilège,

Dont nous nous réclamons bien haut,

D'être sortis du « Vieux Collège »,

Du Collège de Saint-Malo !

H. COLAS.

Afin d'achever l' oeuvre de ses prédécesseurs, en 1934-35, M. le Chanoine Perrin a entrepris la transformation de la chapelle; mais, le 13 juillet 1936, les travaux ne sont pas encore terminés, et c'est dans la Cathédrale de St-Malo qu'est célébrée la messe du Souvenir. Au banquet, le président Herpin fait savoir que nous allons prochainement célébrer les noces d'or du bon Chanoine Béziel, ancien principal, recteur de St. Ideuc, vice-président de notre association amicale , et il annonce que les anciens élèves se disposent à lui offrir un bréviaire en souvenir. Le nom de notre principal, le bon Chanoine Perrin, restera attaché à la nouvelle chapelle (lui montrera aux générations à venir toute notre affection pour notre cher Collège. « Sans trop m'inquiéter de quoi sera fait ce « demain » sur lequel je ne puis rien, avec un optimisme volontaire et qui persévérera, j'ai bâti la chapelle », nous dit-il, salué par les plus vifs applaudissements de tous les présents.

 

Ce fut le 12 juillet 1937 que l'Association s'est réunie pour la première fois dans cette nouvelle chapelle, qui certes est belle. Mais comment pourrions-nous, nous les anciens, oublier la chère disparue ! Sur ses vieux bancs des générations ont prié, chanté, pleuré même. Au cœur d'un grand nombre retentit l'appel du Divin Maître : ils y ont répondu par le « don total de soi ». Tous, ici, ont puisé la force de maintenir dans le monde les traditions de droiture, de générosité, de courage caractéristiques des vrais Malouins.

0 ma vieille chapelle, tu n'es plus... Ton corps a succombé en gémissant sous les coups de la pioche cruelle. Mais tu possédais une âme... et les âmes ne meurent pas; tu revis dans la nouvelle chapelle.

Au banquet, le président, M. Herpin, fait ressortir que c'est aujourd'hui notre 50' assemblée générale, notre cinquantième banquet. Dans cinquante ans, parmi les jeunes qui m'écoutent, il y en aura plusieurs à se souvenir d'aujourd'hui, et ils auront un mot aimable pour leurs devanciers, fondateurs de cette société à laquelle, de tout cœur, je souhaite les radieuses noces de diamant dont cent fois elle est digne ».

M. le Chanoine Perrin remercie les Anciens : « Ce que le Collège tient de vous, c'est que vous lui apportez une tradition et un exemple : une tradition d'honneur, qui montre à nos jeunes que la vie n'est pas un jeu mais un devoir. Vous apportez une tradition de travail, mais vous apportez surtout un exemple de fidélité. En vous voyant revenir, nos jeunes comprennent la profondeur de l'affection qui vous unit à cette maison ».

Enfin, M. le Chanoine Béziel remercie le Collège et les Anciens de toute la part qu'ils ont pris à la célébration de ses noces d'or, et il les assure de toute sa reconnaissance et de son affection.

Les réunions de 1938 et 1939 se passèrent, elles aussi, avec autant de cordialité et, en se séparant, les anciens se donnèrent rendez-vous pour la réunion de 1940. Hélas, à ce moment les nuages s'accumulaient sur nos têtes, mais nous étions dans l'impossibilité de dire ce que serait l'avenir : M. Gernigon, notre nouveau principal, ne se doutait pas qu'il, connaîtrait la captivité avec toutes ses souffrances et toutes ses misères...

Pendant la guerre 1939-45, le Collège de Saint-Malo fut fidèle à son passé; il continua d'ouvrir ses portes, aux enfants de notre région, et quand vinrent les jours d'occupation, les jours de privation, les jours durs, le Collège de Saint-Malo ne craignit pas de transporter quelques-unes dé ses classes à Beaufort et au Rouvre, afin d'éloigner les élèves du danger. Et quand vinrent les bombardements, les restrictions, la grande misère, le Supérieur et l'Econome du Collège organisèrent dans le réfectoire des « moyens » un restaurant communautaire qui rendit les plus grands services à la population malouine. Quand arriva l'exode, l'Abbé Donne, sous-directeur, remplissant en même temps les fonctions d'économe, accepta de se charger -de la nourriture des Malouins internés au Fort National. Le total des repas servis par le Collège s'éleva au nombre de 9.250 pendant les derniers mois du siège et, pendant les cinq derniers jours, 1200 portions furent servies chaque jour par le Collège à la population, aux internés du fort, à ceux qui étaient réfugiés dans les caves. On peut dire que c'est grâce au Collège si les assiégés ne sont pas morts de faim ! Dans ces circonstances tragiques, l'Abbé Donne et les Religieuses du Collège, en particulier la bonne Sœur Elise, ont bien mérité de la Patrie, et donné à tous l'exemple de la plus grande bravoure. Je suis heureux de rappeler le souvenir de leur belle conduite et de leur redire toute la vive reconnaissance de la population malouine.

 

Dès le 11 juillet 1945, le Collège reprit ses traditions, grâce à un véritable tour de force de, M. le Principal et de l'Abbé Pichot, l'économe, qui ne craignit pas de se faire ouvrier et de mettre lui-même la main à la pâte, dès le mois d'octobre 1944, c'est-à-dire trois mois après le départ des boches, le Collège rouvrait ses portes et recevait de nouveau ses élèves. Il avait cependant été très atteint par les bombardements et blessé bien gravement. Les réparations s'élevèrent à plusieurs millions, mais ce fut lui le plus rapidement répare, parmi toutes les maisons d'éducation de la région; et, dès le 11 juillet 1945, il ouvrait toutes grandes ses portes aux anciens et reprenait sa vitalité complète.

Petit à petit, les blessures de notre cher Collège se sont cicatrisées; les classes, les dortoirs, notre belle chapelle ont repris leur aspect d'avant guerre et, à l'aurore du 150ème anniversaire de sa fondation, toujours jeune et actif, aimé et vénéré de tous, notre cher Collège regarde en souriant l'avenir. Déjà, depuis deux ou trois ans, il marche de nouveau dans la voie du progrès et il envisage comme prochain le moment où, suivant l'exemple de ténacité que donna jadis la Cité Corsaire, il va, lui aussi, se lancer dans la voie des accroissements et des embellissements...

 

En terminant ce travail, qui m'a rappelé tant de vieux souvenirs, il me vient une idée que je ne puis garder pour moi seul et que je vous livre, mes chers anciens camarades. Notre, cher Collège appartient non seulement à Saint-Malo, il appartient à l'histoire religieuse du diocèse,, jusqu'où, du reste, n'a-t-il pas étendu son influence ?

N'a-t-il pas donné à la France des Ministres, des Sénateurs et des Députés qui ont joué leur rôle dans le gouvernement de la Patrie ? Il a donné à l'Eglise des Evêques et des Prélats dont nous sommes fiers; il a donné aux Lettres, aux Arts, à la Science de nombreux flambeaux; et combien de Maires, de Conseillers généraux, des Présidents de Cours, de Tribunaux, de Chambres de Commerce ont été élèves sur nos vieux bancs ?

Dans l'Armée, dans la Marine, nombre de Généraux et d’Amiraux, Inspecteurs généraux et autres, dont jalousement nous conservons le souvenir, furent de nos anciens; et je ne parle pas de tous les autres rayons, où les anciens élèves de notre cher Collège se sont fait remarquer par leur énergie, leur beau caractère et leur valeur !

Pourquoi dès lors, à l'occasion de ce cent cinquantième anniversaire, ne pas créer le Livre d'Or de nos anciens élèves . Oui, pour la gloire et le renom de cette belle et très chère maison que nous aimons, pourquoi n’inscririons nous pas sur un marbre d'honneur ces noms dont nous sommes fiers; pourquoi ne les livrerions nous pas à la postérité ? Quel plus bel exemple, quel plus grand encouragement nous serait-il possible de donner aux jeunes générations, qui sont l'espoir- et l'avenir de la France ?

Et maintenant, qu’ont été évoqués quelques-uns des souvenirs que renfermaient les murs de l'ancien édifice maintenant qu'ont été rappelés les évènements tragiques ou mémorables qui ont marqué dans l'histoire du Collège pendant les derniers cinquante ans, maintenant qu'ont été cités quelques-uns des noms de ceux-là, professeurs ou élèves, qui ont ajouté à la renommée du vieil Établissement, n’importe-t-il pas de tirer de ce cent cinquantième anniversaire un enseignement et des espérances ?

Point n'est besoin d'être grand observateur pour se rendre compte de la raison profonde d'une vitalité que le temps n’a pas affaiblie. Si le Collège de Saint-Malo a duré, s'il demeure aujourd'hui plus jeune que jamais, si l'avenir, sur la route de son deuxième centenaire, s'ouvre à ses destinées sous les plus heureux auspices, c'est parce que, depuis sa fondation, il n'a jamais cessé de faire corps avec la Ville, c'est parce qu'il s'est identifié avec elle, dans la bonne comme dans la mauvaise fortune, c'est parce que ses assises sont enfoncées dans le rocher sur lequel, avec le vent du large, continue à souffler cet Esprit qui, ayant inspiré les ancêtres, ne pourrait passer par dessus la tête des descendants sans l'effleurer, que s'ils ne savaient pas rester à leur taille.

le Chanoine Julien Descottes

 *  texte numérisé par Jean-Paul Trotin depuis un livret édité par l'imprimerie A. Liorit de Dinard vraisemblablement en 1952

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Dernière mise à jour :  25 février, 2004  -  Pierre Nicou